Retrouvons Tu Fu, Chine, 712/770. Il se trouve dans le kiosque de la poésie.

"Ah, Maître Tu Fu, nous venons de quitter votre ami Li Bai. Il nous a offert son expression sur la Peinture lettrée. Mais, vous, que diriez vous sur le jardin lettré?

"Le jardin lettré n'est pas un jardin naturel, il est la nature. Devant un arbre, l'architecte préfère détourner un couloir plutôt que de l'abattre. Lorsque vous marcher dans un de ces couloirs couverts de tuiles noires et qu'il pleut, vous entendez le son de la pluie ruissellant dans l'étang. Chaque pagode, chaque kiosque ont un rôle bien défini, un kiosque pour la musique, un autre pour la lecture, une pagode pour le théâtre, une autre pour la réflexion, ...

Une porte ronde, porte de la Lune, devient le cadre parfait pour un pin taillé en nuage ou encore une pierre remarquable.

Je viens de voir passer devant la fenêtre un pêcheur. Ce soir nous mangerons du poisson à la grande pagode des immortels. Je vous laisse à votre promenade poétique dans le jardin en attendant le repas."

Il est temps pour nous de quitter ce magnifique jardin.

Cet homme descend en ville. Il s'appelle Tsen Shen. Il est né en Chine en 715 et a quitté notre monde flottant en 770. Tsen Shen nous invite à boire le vin à Liang Huang, dans la taverne du pied du pont.

 

Inscrit dans la maison sur les hauteurs de la ville de Liang Huang.

 

"J'habite à l'endroit le plus haut

Mille maisons en permanence sous le regard

Décrire des poèmes et boire du vin j'ai maintenant terminé

Face à de nombreux pics seul je m'endors..."

"Les trois ponts au zénith du printemps."

Tsen Shen nous dit:

"Pour peindre la montagne, il faut être montagne soit même. Avant de réaliser un paysage montagneux, le lettré prend le chemin de l'entrée de la montagne. Il ne reviendra qu'une fois avoir trouvé "l'esprit de la montagne". Il lui faut devenir un "Homme Montagne". Nous pourrions le traduire par "ermite".

Li Bai, Chine, 701/762, dans un de ses poèmes trancrit dans son recueil, "Buvant seul sous la Lune", a écrit:

"Ah, parmi ces Pins,

Construire mon nid !"

Li Bai est, je ne suis pas le seul à le dire, le plus Grand Poète et ce pour très longtemps. Sa poésie est d'une finesse extrême. Elle nous laisse en bouche une substance parfumée, substance qu'il doit trouver dans le vin. Sa poésie laisse au lecteur, diverses interprétations, selon notre vision du moment.

Je vais prendre un exemple. Un bel après-midi de printemps, l'Empereur et Li Bai conversent tout en flânant dans un jardin. L'empereur s'aperçoit que Li Bai marche en boitant. L'Empereur demande à Kao Li shih, le chef des eunuques, d'enlever les chaussures de Li Baiqui accepte. Pour Kao Li shih, c'est un ultime affront dont il cultivera une rage d'eunuque. Depuis ce jour, il ne pense qu'à sa vengeance!

Il va tout faire pour attirer la colère de Yang Kuei fei, la nouvelle favorite de l'Empereur, sur Li Bai. Dans le Pavillon de Santal, l'Empereur et sa nouvelle favorite se prélassent quand celui-ci envoie chercher Li Bai. Il doit composer un poème de circonstance. Après s'être fait attendre un bon moment, c'est ivre que Li Bai arrive. Sans lever une seule fois son pinceau, il écrit trois poèmes en l'honneurde la belle Yang Kuei fei. Accompagné par l'Empereur lui-même à la lyre, Li Bai les chante sur un air de Chin ping.

Je vous offre ces trois poèmes de Li Bai, (la calligraphie du tableau est la première de ces poésies).

"Les nuages sa parure, son visage une fleur

Le vent printanier caresse la balustrade, la fleur s'imprègne de rosée

Ne pas la rencontrer sur le mont de jade?

La retrouver sur la terrasse de jade sous la Lune".

 

"De la belle fleur rouge la rosée concentre le parfum.

Nuages et Pluie, la nymphe de Wu shan, en vain nous brise le coeur

Dans le palais des Han à qui la comparer?

A la ravissante Fey yen dans sa parure nouvelle".

 

""Fleur précisieuse et beauté cfatale toutes deux se réjouissent

L'Empereur souriant les contemple

L'infinie mélancolie dans le vent printanier se dissipe

Lorsqu'au Pavillon de Santal elle s'appuie à la balustrade au nord".

 

Ce jour là est le premier jour de la floraison des pivoines. Ces trois poème de Li Bai sont-ils une Ode à Yang Kuei fei ou aux pivoines?

Pourtant, ce jour là, Kao Li shih, le chef des eunuques tient sa vengeance. Dans son deuxième poème, Li Bai parle de Chao Fey yen, (1er S. av), "Hirondelle en vol" ancienne gouvernante si fine qu'elle pouvait danser dans la paume d'une main, devenue Impératrice en épousant l'Empereur Ch'eng des Han. .A la chute de cet Empereur, Chao Fey yen fut dépossédée de son titre et se suicida. Kao Li shih considérant que les poèmes s'adressent à Yang Kuei fei et non aux pivoines, il persuade celle-ci que la comparaison est une injure et qu'il faut tout faire pour convaincre l'Empereur d'écarter Li Bai. Vous deviner la suite. Pour Li Bai, ce fut un soulagement. S'étant toujours refusé à flatter les eunuques et mandarins corrompus, las des bavardages mesquins de la cour, il manifeste l'envie de quitter la Capitale.

Mais je suis bavard. Je vous laisse continuer votre chemin qui va, je pense, "prendre de la hauteur".

Retrouvons Po Chu yi, Chine, 772/846.

"Sur la Glycine en fleurs
Descends le crépuscule".

Puis, Po Chu yi nous indique le chemin à suivre.

Ce chemin est un sentier secret.

Li Bai, Chine, 701/762.

"Au milieu des bambous verts

Je pénètre

Dans un sentier secret".

 

Le sentier secret s'ouvre sur la montagne. Nous allons quitter le Lac de l'Ouest pour prendre le chemin des lettrés partant pour devenir "Montagne".

Chemin faisant, nous rencontrons Li Bai, Chine, 701/762.

 

Devant le vin :

"Pin rouge s'est retiré sur la fleur d'or

An Ki est retourné sur la mer Peng

Ces gens là obtinrent l'immortalité

En des temps antiques

Ils devinrent immortels soit

Mais où sont-ils aujourd'hui

Cette vie flottante est rapide comme l'éclair

En un clin d'oeil les couleurs se transforment

Si ciel et terre sont immuables

Comme nos visages changent

Si devant le vin vous refusez de boire

A retenir votre sentiment qu'attendez-vous?"

(Traduction de la poésie du tableau suivant).

Le soir approche quand l'enceinte d'un jardin lettré se présente à nos yeux.

Dans ce jardin est une pagode, la bien nommée "La pagode de l'écriture".

Un vieux Lettré écrit un poème de Li Bai, Chine, 701/762.

 

En autome, je monte sur le pavillon de Xie Tiao, à Xuancheng :

 

"Ville entourée d'eau, comme une peinture;

En montagne le soir, je contemple le ciel clair:

Deux rivières: miroirs brillants qui se rejoignent,

Double pont: arcs-en-ciel tombés du firmament.

Les foyers fument, les orangers grelottent;

L'automne se colore, Les paulownias vieillissent.

Qui donc médite en haut du pavillon du nord?

Penché dans le vent, j'évoque Xie Tiao".

 

Xie Tiao est un poète chinois né en 464 et quittant le monde flottant en 499.

Sa renommée s'est forgée avec ses quatrains. Les meilleurs de ses poèmes décrivent les paysages de Xuancheng, ville du Sud Est de la Chine dont il sera gouverneur de 495 à 497. Xuancheng est célèbre pour la culture des quatre trésors du Lettré :

- Le pinceau, le bâton d'encre, le papier de riz et la pierre à encre.

 

Ce poème est la traduction du tableau suivant.

Nous quittons la baie de la mer de Chine sur un poème de
Yang Wan li, Chine, 1127/1206 :

"Composer un poème"

"Descendant le rapide de la montagne horizontale, je contemple la montagne de la Fleur d'Or!

La pensée de la Montagne, le sentiment de la rivière ne trompe pas.

L'allure du temps pluvieux, l'allure du beau temps, les deux sont admirables.

S'enfermer derrière une porte pour rechercher des vers n'est pas la bonne méthode pour composer un poème.

C'est seulement quand on voyage que le poème vient
Naturellement!"

Li Bai, Chine, 701/762.

"Vivant un voyageur de passage
Mort on s'en retourne
Ciel et Terre sont une auberge
Où depuis dix mille années de poussière
Chacun s'attriste

Sur la Lune
Le lièvre en vain pile la drogue de l'immortalité
L'Arbre Fu sang est déjà transformé en fagot

Quand il ne reste que des os blancs
Silence sur la moindre parole.

Les Pins sont toujours verts
Comment savoir si c'est le printemps?

A propos d'hiver et de demain
On ne cesse de soupirer
Flottante est la gloire
Inutile de s'y attarder".

Li Bai, Chine, 701/762.

"Cette nuit je loge au temple du sommet
Je lève la main
Elle touche les étoiles.

Je n'ose parler à voix haute
de peur de réveiller
Les habitants du ciel".

En chemin, nous rencontrons deux ermites récitant des poèmes.

Li Bai, Chine, 701/762.

"Pour chasser la tristesse de mille années

Nous nous attardons à boire cent pichets

Cette belle nuit est propice aux propos purs

La Lune lumineuse ne nous laisse pas dormir

Ivres nous nous allongeons sur la montagne vide

Le Ciel pour couverture

La Terre pour oreiller".

Poursuivons le but de notre voyage. Nous y sommes presque:

"Du vide naît la montagne."

Deux poèmes mis en image par ce tableau, l'un de mes tous premiers :

Han shan, Chine, VIIIème siècle :

"A contempler le vide s'épanouit le silence".

Yuan Mei, Chine, 1716/1789 :

"Contempler le vide,
de tout soucis me libère".

Pour la respiration, L'envol du Phénix.